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Libération
Interview

Henry Rousso : «Papon n'est pas un détenu ordinaire».

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Henry Rousso, historien, spécialiste du régime de Vichy et de l'Occupation:
publié le 19 janvier 2001 à 21h59

Historien, Henry Rousso est spécialiste de Vichy et de l'Occupation: il a publié plusieurs ouvrages sur la période, notamment le Syndrome de Vichy (Seuil, 1987) et Vichy, un passé qui ne passe pas, en collaboration avec Eric Conan (Fayard, 1994). Cité à comparaître comme témoin au procès Papon, il a refusé, estimant que ce n'était ni la place ni le rôle d'un historien.

Que pensez-vous de la formule de Robert Badinter: «L'humanité doit l'emporter sur le crime»?

C'est un jeu de mots. Au-delà, il est vrai que lorsque la justice démocratique juge les représentants d'un système totalitaire, elle a l'impératif d'être humaine et démocratique. Qu'il y ait un débat sur la libération de Papon me paraît en ce sens très sain. Sous la plume de Robert Badinter s'est exprimée une certaine conception de l'Etat de droit et de la démocratie, celle qui a aboli la peine de mort, et tente d'humaniser l'univers carcéral. C'est aussi une façon de dire : le débat est clos, la France a suffisamment affronté et apuré son passé. C'est la suprématie de la démocratie sur les autres systèmes. Dans la mesure où, dans l'affaire Papon, on discute sur des symboles, allons jusqu'au bout. Sa libération pose la question de quelle démocratie nous voulons, à la fois humaniste et capable de regarder son histoire avec lucidité. Et cette libération ne menacerait pas la démocratie. Par ailleurs, le désir de vengeance est à la fois légitime et insatiable, et il ne pourra jamais être réellement accompli. C'est tout le paradoxe du devoir de mémoire: il engendre des illusions, notamment l'idée qu'on pourra «répar