Un avocat imite par avance exagérant à peine l'accent la future déposition de sa cliente. «Mme la juge, je vous jure, moi je suis qu'une vendeuse. Je découpais les ballots...» Les 120 prévenus qui vont défiler pendant dix semaines au procès du Sentier, qui s'ouvre aujourd'hui devant le tribunal correctionnel de Paris, s'apprêtent à jouer la même scène avec la même conviction. Un rôle de composition, puisque la quasi-totalité d'entre eux ont fini par admettre leur participation, de près ou de loin, à la gigantesque arnaque. Mais que cela fut dur! Les enquêteurs se souviennent de certains aveux consentis avec «force circonvolutions», des malaises impromptus d'une «coutumière du fait, chaque fois que les questions deviennent embarrassantes», de ce chef de réseau ne reconnaissant même plus son cousin, de cette confrontation qui faillit tourner au pugilat dans les locaux du palais.
«Planter les banques.» Dix-huit mois d'instruction judiciaire, ponctués de deux spectaculaires descentes de police dans le quartier du Sentier, 188 interpellations, ont permis de mettre au jour une «extraordinaire noria d'opérations effectuées dans des délais très brefs avant que les banques ne se rendent compte de la supercherie», selon le rapport de la Brigade de recherches et d'investigations financières (Brif). La cavalerie l'échange de fausses traites est considérée comme l'un des plus vieux métiers du monde. Trop bas de gamme pour dégénérer en casse du siècle, à moins de le pratiquer à l'é