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Libération
Interview

«Les pauvres pensent quand même»

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par Marcia LACOMBE
publié le 26 février 2001 à 23h09

Paul Bouchet, ancien avocat, est président d'ATD Quart-monde France et auteur de la Misère hors la loi (1). Il explique ici le sens de l'action que mène cette association en matière de culture auprès des exclus.

Vous dites que la bataille culturelle est aussi essentielle que la bataille économique. Comment cela se traduit-il concrètement?

Cela passe par une nouvelle conception de la culture. Il ne faut pas faire simplement en sorte que les plus pauvres aient accès à la culture des autres, celle des classes moyennes, voire de l'élite. Il faut que la culture des plus pauvres se croise avec la culture des autres. Nous avons un groupe qui s'intitule «le croisement des savoirs». On y a réuni plusieurs universitaires de toutes tendances que nous avons mis au contact de quinze personnes du quart monde pendant deux ans pour parler non seulement de la pauvreté mais aussi de la famille, des grands problèmes de société. Il y a déjà eu huit universités de ce type et il s'agit de continuer.

Cette «culture du pauvre» n'est-elle justement pas stigmatisante?

Dans mon livre, je parle d'un «savoir du vécu». Il s'agit de réintroduire ce que pensent et disent ceux qui savent. Il faut faire découvrir que les pauvres, s'ils n'ont pas pour l'instant accès à la culture dominante, pensent quand même... Faire con naître la réalité des misérables, je ne vois pas en quoi c'est misérabiliste. Il ne faut pas oublier que la misère endémique ­ celle qui se reproduit de génération en génération ­ n'a pas bougé