Bordeaux, correspondance.
On sort de la salle d'audience avec une vague nausée. «Je ne sais pas si je remangerai de la viande», murmure une retraitée venue «par curiosité» au procès de frères Brunet, les anciens patrons de la boucherie la plus réputée de Bordeaux. Pendant deux jours, on a parlé de «décongélation accélérée» au jet d'eau chaude, de rognons marinés à l'eau oxygénée, de têtes de veau «verdâtres» rafraîchies au détergent industriel pour supprimer les odeurs «nauséabondes».
Jugés pour «tromperie sur la qualité substantielle de la marchandise et mise en vente de denrées falsifiées, dangereuses ou nuisibles à la santé de l'homme», Michel et Guy Brunet ne nient pas avoir triché sur les produits. Ils assurent, pour minimiser leurs responsabilités, qu'ils n'avaient pas le choix face à la pression commerciale des grandes surfaces. Et que les fraudes mises au jour dans leur société étaient «des pratiques courantes» dans le milieu. Si c'est vrai, les amateurs de viande ont de quoi s'inquiéter, comme l'ont souligné tour à tour les représentants des associations de consommateurs qui se sont constituées partie civile.
Chez Brunet, en pleine crise de la vache folle, on servait du boeuf allemand comme de la «viande française», on labellisait à la demande de «l'agneau de Pauillac» et on rebaptisait massivement les foies de veau étrangers en «origine France». Un vrai travail de «sape» des campagnes de traçabilité menées à l'époque par la filière viande, comme l'a dit Me Bruno Neouz