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Libération

Même les «sous-marins» vont au tribunal à Toulon.

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Des fonctionnaires sont jugés au côté de chefs d'entreprise et d'intermédiaires pour marchés truqués aux arsenaux.
publié le 19 mars 2001 à 0h04

Officiellement, son activité professionnelle était des plus classiques. De 1993 à 1996, Pierre Bucai exerçait ses talents de VRP multicarte, notamment à Marseille. En secret, et pour certains chefs d'entreprises fournisseurs de la Direction des constructions navales de Toulon (DCN, les anciens arsenaux de la marine), Pierre Bucai avait un autre surnom: «C'était M. Granette. Il m'appelait très souvent en me disant: "Il me faut de la granette", sous les prétextes les plus fallacieux. Alors, c'est vrai que, de temps en temps, il donnait un billet à l'un, à l'autre, ou il invitait au restaurant», confessera le gérant d'une société, après que la gendarmerie maritime de Toulon a commencé à enquêter.

La «granette», c'était de la fraîche, ou du grain à moudre, comme on voudra, qu'il fallait distribuer à toute une série d'agents publics (civils ou militaires), responsables à des degrés divers de la gestion des marchés de la DCN, pour la réfection des bateaux, l'équipement des frégates ou l'entretien des sous-marins. Un sésame qui permettait de pouvoir travailler pour la DCN, pour l'équipement des bureaux, la vente de turbines, de joints ou de câbles. Progressivement, la «gratte» à tous les échelons a littéralement gangrené l'administration de la DCN, placée sous l'autorité du ministère de la Défense.

Quatre ans d'instruction. Ce système «corruptif ancien, institutionnalisé et quasi omniprésent», mis à jour par l'instruction conduite durant près de quatre ans par le juge Jean-Luc Tourni