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Libération

Le «ni vu, ni connu» de l'ancien patron de l'arsenal

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Le procès sur la corruption à la DCN a débuté hier.
publié le 20 mars 2001 à 0h07

Toulon envoyé spécial

Trente-neuf prévenus sont sagement assis à ses pieds, et la présidente Monique Sakri s'en donne à coeur joie. L'oeil gourmand et la formule assassine, elle délivre une sorte de cours rapide sur les malversations à l'arsenal, entre 1993 et 1997, qui leur valent de comparaître depuis hier devant le tribunal de Toulon. Fournisseurs, intermédiaires, ouvriers, cadres civils ou militaires, les élèves ont intérêt à écouter sans broncher: «Vous là, vous mâchez du chewing-gum? Ça ne se fait pas.» Penaud, le prévenu remballe sa friandise.

La présidente détaille les fraudes ­ les fournisseurs distribuaient des «grâces» sous forme de cadeaux aux employés de la Direction des constructions navales (DCN) pour obtenir les marchés ­, et déplore l'inorganisation qui les a permises: «Une rigueur pas vraiment militaire dans la gestion. L'arsenal a même des stocks fantômes. Il achète des pièces dont il n'a pas besoin et les stocke. Ces stocks n'existent pas. Ça permet à des petits malins d'y puiser des pièces et de les refacturer à l'arsenal, qui les a déjà payées une fois...»

L'ironie de la magistrate se déchaîne face au premier témoin, qui n'est pas poursuivi. Jean-Pierre d'Hérouville fut patron de la DCN de 1995 à 1997, mais il n'a «rien vu». «On ne m'a jamais rien dit», prétend-il. «Ah bon?», s'étonne la présidente. Et ce collègue qui lui a fait écouter une cassette audio, avec des propos peu ambigus sur les pratiques en cours? Soudain, d'Hérouville se souvient: «Ah oui...