Toulon envoyé spécial
Trente-neuf prévenus sont sagement assis à ses pieds, et la présidente Monique Sakri s'en donne à coeur joie. L'oeil gourmand et la formule assassine, elle délivre une sorte de cours rapide sur les malversations à l'arsenal, entre 1993 et 1997, qui leur valent de comparaître depuis hier devant le tribunal de Toulon. Fournisseurs, intermédiaires, ouvriers, cadres civils ou militaires, les élèves ont intérêt à écouter sans broncher: «Vous là, vous mâchez du chewing-gum? Ça ne se fait pas.» Penaud, le prévenu remballe sa friandise.
La présidente détaille les fraudes les fournisseurs distribuaient des «grâces» sous forme de cadeaux aux employés de la Direction des constructions navales (DCN) pour obtenir les marchés , et déplore l'inorganisation qui les a permises: «Une rigueur pas vraiment militaire dans la gestion. L'arsenal a même des stocks fantômes. Il achète des pièces dont il n'a pas besoin et les stocke. Ces stocks n'existent pas. Ça permet à des petits malins d'y puiser des pièces et de les refacturer à l'arsenal, qui les a déjà payées une fois...»
L'ironie de la magistrate se déchaîne face au premier témoin, qui n'est pas poursuivi. Jean-Pierre d'Hérouville fut patron de la DCN de 1995 à 1997, mais il n'a «rien vu». «On ne m'a jamais rien dit», prétend-il. «Ah bon?», s'étonne la présidente. Et ce collègue qui lui a fait écouter une cassette audio, avec des propos peu ambigus sur les pratiques en cours? Soudain, d'Hérouville se souvient: «Ah oui...