Jacques Chirac a vraiment réussi son opération. En lançant une offensive très agressive, presque injurieuse, contre le juge Halphen, qui avait eu la mauvaise idée de le convoquer, il a réussi à réunir tous les magistrats, y compris ceux qui se lancent d'ordinaire quelques invectives à la tête. Il faut dire que le président de la République a montré une nouvelle fois un sens du calendrier hors norme. Hier, dans la plupart des juridictions, les juges faisaient grève ou grogne. Un mouvement qui est la suite des manifestations de colère de janvier.
Centrée sur la pauvreté des moyens, le manque d'effectifs, la difficile application de la loi du 15 juin 2000 sur la présomption d'innocence qui impose des nuits de permanence non récupérées, ou encore la mise en oeuvre complexe du juge de la détention, cette mobilisation avait pour cible Marylise Lebranchu, la ministre de la Justice, et le gouvernement Jospin. La ministre a tenté d'éteindre l'incendie, en décidant notamment le recrutement exceptionnel de 1 200 magistrats.
Mais le mal est plus profond: les juges se sentent mal aimés, confrontés à une justice de bouts de ficelle, détestés par les politiques. Avec sa sortie con tre le juge Halphen, alors qu'il est théoriquement garant de l'indépendance des juges, Jacques Chirac a réussi le tour de force d'accroître encore le malaise.
Assemblée générale (à Paris), catalogue de revendications, grève suivie par 30 % à 40 % des magistrats selon deux syndicats, l'USM (majoritaire, et centrist