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Des jardins aquatiques sous les eaux

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Amiens et sa région font face à une inondation hors du commun.
publié le 7 avril 2001 à 0h25

Amiens correspondance

«Fais gaffe, on est sur les poireaux de Ginette.» Stéphane Torlet con naît parfaitement les hor-tillonnages, mais aujourd'hui sa perche l'égare. La barque glisse sur des jardins perdus sous un lac, sur une flaque monstrueuse qui a tout avalé: des jardins on ne distingue plus que les haies de forsythias et, ici ou là, un magnolia en fleurs. Stéphane et son pote Laurent sont au chômage technique. Leur emploi de batelier est parti avec l'eau qui submerge leur terrain d'évolution: trois cents hectares de jardins flottants, 100 000 touristes baladés en 2 000 sur des bar ques électriques d'avril à septembre.

Ilots fragiles. Fierté de la ville après la cathédrale, les hortillonnages ont été dessinés en amont d'Amiens par les Romains il y a deux mille ans. Les troupes de César se seraient nourries sur ces terres exceptionnelles. Depuis, ces îlots fragiles découpés dans le tissu de tourbe avaient tenu bon. On y rivalisait de génie pour fleurir ses berges, poussant loin le challenge du plus gros légume et de la cabane la plus kitsch. Les 1 400 propriétaires, médusés, ont vu tout cela disparaître en huit jours sous une crue qui a atteint près d'un mètre sur certains jardins.

«Terminé, je rends mes outils.» Eric Desjardin était devenu hortillon à la suite de son père et de son grand-père. Il était le dépositaire d'un savoir millénaire avec sa barque à cornet et son louchet, l'outil indispensable pour retirer la vase des rieux avant de la plaquer sur les berges. «J'ess