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Libération

L'esclave, la patronne et le RG

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Hafida travaillait 15 heures par jour, sans salaire.
publié le 22 mai 2001 à 0h57

Elle voudrait en rire. «Moi, une informatrice de la police! Quand ils ont lu l'intitulé de mes fonctions au procès, je ne comprenais même pas les mots.» Mais sa voix se trouble, ses yeux rougissent quand elle évoque «le passé». Hafida, 38 ans, fait partie de celles que l'on appelle aujourd'hui les «esclaves modernes»: 15 heures de travail par jour sans salaire, coups, insultes, humiliations quotidiennes subies pendant cinq ans au domicile d'un couple de libraires du XVIe arrondissement parisien, Renée et Noreddine Azzouzi. Le Comité contre l'esclavage moderne (CCEM) dit recevoir aujourd'hui une trentaine de signalements de ce type chaque mois. Le «cas» d'Hafida sort pourtant de l'ordinaire. Lorsque la jeune marocaine parvient, en novembre 1999, à fuir ses «employeurs», elle apprend qu'elle est enregistrée comme informatrice des renseignements généraux (RG) chargée d'infiltrer les réseaux terroristes kurdes. Bien que ne comprenant pas un mot de turc, elle aurait fourni des précieux tuyaux sur les activités clandestines du PKK.

Couverture. Hafida n'avait pas le droit de sortir, de téléphoner ou de parler à qui que ce soit. Pourtant, elle se souvient bien, une fois, s'être rendue dans une fête kurde à Paris. C'est le gendre de ses employeurs, lieutenant à la 13e section des RG, qui l'y a emmené. «Il m'a pris en photo au milieu des gens. Il m'a dit que c'était pour mes papiers.» Les enquêteurs remontent rapidement la piste. Hafida servait de «couverture» au lieutenant pour les in