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Libération

Un mineur dans la peau du procureur

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A Strasbourg, un théâtre-forum a donné la parole aux jeunes détenus.
publié le 23 mai 2001 à 0h57

Strasbourg de notre correspondante

Le réquisitoire du procureur est impitoyable: «Cet individu a déjà été condamné à plusieurs reprises. Il se trouve en état de récidive légale. Je réclame son incarcération immédiate, c'est la seule solution, afin d'empêcher le renouvellement de l'infraction. Il n'y a aucune alternative.» Le juge pour enfants s'offusque ­ «Ne m'interrompez pas!» ­, se tourne vers l'accusé et d'un ton patelin: «Vous saviez que votre sursis allait tomber! Quel besoin avez-vous eu d'aller voler dans ce magasin?» L'intéressé, un jeune mineur récidiviste: «Je regrette, monsieur le juge. Je ne sais pas ce qui m'a pris de faire ça. Voler, c'est trop grave.» Le magistrat insiste: «Alors, pourquoi le faire?» L'accusé: «C'était trop tentant, et je n'avais pas d'argent.» L'avocat se lance: «Mon client a reconnu les faits. Il a envie de s'en sortir. Ce n'est pas en l'enfermant qu'il le pourra. Il est prêt à accepter une peine de TIG (travail d'intérêt général).» Le procureur, teigneux: «Ce jeune est irrécupérable. Il a assommé un vigile. Le TIG, il fallait y penser avant.»

Professionnels. Une dizaine de détenus et autant de représentants de l'administration pénitentiaire ­ directeur de prison, surveillants et surveillant chef, travailleurs sociaux, intervenants, infirmière ­, qui assistent à la scène, rient de bon coeur. Le procureur, le juge, l'accusé et l'avocat sont quatre mineurs, incarcérés à la maison d'arrêt de l'Elsau, à Strasbourg, qui jouent, dans la salle polyv