Après une ou deux bouchées de taboulé, Idriss repose le bol et la fourchette. Trop d'émotions, de fatigue. Et puis, il est déjà minuit passé. Le jeune Tchadien de 17 ans s'est fait cueillir par une patrouille de police à la gare du Nord, où il campait depuis son arrivée en France, il y a une semaine. Après l'avoir interrogé, les policiers l'ont débarqué dans ce foyer de la Croix-Nivert, lieu d'échouage des mineurs errants de Paris ou de la proche banlieue. «Nous sommes un lieu d'urgence au sens strict, puisque les jeunes que nous accueillons ne sont pas censés rester plus de 24 ou 48 heures. C'est assez proche de l'urgence hospitalière: on essaie d'apaiser, de calmer la douleur et l'angoisse. Puis de trouver la structure la plus adaptée pour prendre le relais», explique Jean-Louis Brassat, le directeur du foyer.
Entretien. Cet endroit qui n'a guère d'équivalent en France a été créé il y a dix ans à l'initiative du parquet de Paris pour les adolescents interpellés en fin de journée et qui jusque-là passaient la nuit au commissariat dans les conditions d'une garde à vue, bien qu'appartenant à la catégorie «mineurs en danger». Depuis, quelque 18 000 mineurs ont transité dans cette grande maison à la façade un peu maussade. Des fugueurs, des enfants battus, violés, maltraités, des jeunes étrangers isolés et sans papiers. Idriss appartient à cette dernière catégorie. Petites lunettes, allure soignée, seule la chemise froissée témoigne des dernières nuits de galère. «Oh non, je n'a