Marseille de notre correspondant
Un bateau avec un joli nom. Liberté. Sur le quai, derrière des grilles, une femme en pleurs fait au revoir de la main. Elle croit que son mari est à bord, expulsé de France. Elle se trompe. C'est un leurre. Alors que le Liberté quitte Marseille hier, à 17 h 30, Nacer Hamani est déjà à Alger. On l'a expulsé par avion. Sa famille a perdu sa trace à la sortie du centre de rétention d'Arenc, vers 13 h 15. Les trois soeurs, le frère et le père, ainsi qu'une poignée d'amis, se sont donc retrouvés au port, pensant que Nacer serait embarqué à bord du Liberté. Tout semblait le confirmer: les CRS refoulant les quelques manifestants de la zone internationale, l'hélicoptère tournoyant dans le ciel, les canots patrouillant en mer.
Incrédules. A terre, la famille, quelques militants du MIB (Mouvement de l'immigration et des banlieues) crient «Jospin, assassin!» «Nacer, bouc émissaire!» Le père, 64 ans, ancien ouvrier de production dans une usine d'aluminium, en France depuis 1957, ne pensait pas qu'on pourrait lui faire ça. Renvoyer un fils vers l'Algérie où il risque sa vie. «Ils nous l'ont kidnappé!, crie une soeur. Pourquoi l'expulser vers l'Algérie? Expulsez-le ailleurs!»
Son épouse est effondrée: «Je l'ai vu ce matin. Il était dans sa chambre du centre de rétention. Il ne savait rien.» Elle se rappelle le dernier signe de la main, sur les marches d'Arenc, puis plus rien. Rien que l'angoisse, l'attente, les rumeurs. Au port, les marins CGT assurent pourta