L'historien Michel Auvray est un spécialiste du service militaire et des relations entre armée et société. Il a publié l'Age des casernes en 1998 (Editions de l'Aube) et participe à un numéro de la revue Autrement sur l'«autopsie du service militaire», à paraître en janvier.
Avec le départ des derniers appelés, qu'est-ce qui se termine?
C'est plus la fin de l'armée de Bismarck que celle d'une prétendue tradition républicaine. Nous avons longtemps vécu sur un mythe selon lequel la conscription était un grand acquis de la Révolution française, donc intouchable. Or le service national auquel Jacques Chirac a décidé de mettre fin en février 1996, c'est le modèle prussien celui de l'armée qui avait battu la France durant la guerre de 1870. Pour préparer la revanche, le vaincu a adopté le modèle du vainqueur.
Mais la levée en masse de 1793...
C'est autre chose: un symbole de pouvoir social, celui du peuple qui conquiert sa souveraineté les armes à la main, pas un mode de recrutement généralisé. Dès le Moyen Age, on convoquait «le ban et l'arrière-ban». Il s'agissait de mobiliser le maximum de monde pour s'opposer à l'envahisseur. Pas de créer une armée permanente. Prenons la bataille de Valmy, en 1792, qui est le mythe fondateur de l'armée républicaine. Elle a lieu avant la levée en masse et ce sont uniquement des soldats professionnels de l'armée royale renforcée par des volontaires de la garde nationale qui y participent. Pas des conscrits. La première loi de service militaire, di