Les Corses se sont longtemps crus à part: «Chez nous, ça n'existe pas. Ce mal-là est réservé au continent», entend-on couramment dans l'île. Le mal dont il est question, ce sont les viols. Quant à la pédophilie ou à l'inceste sur des enfants, il s'agit d'une plaie carrément inenvisageable.
Le mythe vient d'en prendre un coup. Le tribunal de Bastia (Haute-Corse) a rendu public les chiffres concernant les viols et les agressions sexuelles dans la partie nord de l'île: 114 procédures en trois ans. Qui plus est, ce chiffre est en augmentation: 33 procédures en 1999, 31 en 2000 et 50 en 2001. En Corse-du-Sud, pour une population légèrement inférieure (118 000 contre 141 000 habitants), les statistiques de la police et la gendarmerie confirment: 54 affaires en 2001.
Plus inouï encore pour beaucoup de Corses, les deux tiers de ces infractions sexuelles ont atteint des mineurs. Pour la plupart, ces actes se sont déroulés dans le cadre familial. «Cela nous sidère complètement quand on connaît notre attachement aux valeurs traditionnelles, s'exclame Noëlle Vicensini, animatrice de l'association Ava Basta («Ça suffit»). Les histoires d'incestes, dans les villages, on s'en racontait. Les mêmes de génération en génération. C'était quelque chose de vraiment exceptionnel. Autrefois, l'espace de vie des enfants, c'était le village, à la fois très libre et toujours sous le regard des autres. Maintenant, l'espace de vie, ce sont les appartements et les petits pavillons, où la vie est confinée à