D'un coup, la salle murmure. Trois cents personnes s'agitent en silence sur leurs sièges. Toutes, presque, sortent un carnet, un portable, un agenda électronique pour noter le numéro de téléphone qui vient de leur être donné par l'orateur. Hôtel de Ville de Paris, mercredi soir, dans un salon prêté par Bertrand Delanoë. Le centre Simon Wiesenthal organise une rencontre sur le thème «les agressions antijuives» et la petite salle bondée recopie le numéro d'urgence qui centralise toute forme de manifestation antisémite. Pour l'assistance, l'heure n'est plus à se demander si la France connaît un regain d'antijudaïsme.
«Poison». Depuis septembre 2000, «l'Observatoire du Monde juif» comptabilise et vérifie toute agression, verbale ou physique, dirigé contre des juifs parce qu'ils sont juifs. Et elles se comptent par centaines, avec un pic lors du déclenchement de la seconde Intifada et un autre à l'intervention américaine en Afghanistan. Entre les deux et jusqu'à aujourd'hui, le pouls des incidents continue de battre régulièrement. La veille de cette réunion, par exemple, une dizaine de personnes ont encore composé le numéro d'alerte. Ce soir, hors antenne, hors micro ou caméra, la petite foule s'interroge. «Sommes-nous paranoïaques?, demande Jacques Tarnero, chercheur au CNRS. Sommes-nous en train de nous créer des menaces qui n'existent pas?» «Est-ce que j'invente l'antisémitisme ou est-ce que je le subis?», interroge Marc Knobel, spécialiste de la traque des nazis sur l'Internet