La «suspicion» l'emporte sur la «compassion». Pour les pauvres, l'amélioration de la situation économique, le recul du chômage ne sont pas que des bonnes nouvelles. Car ils s'accompagnent d'un durcissement dans les représentations de l'exclusion. Lorsque l'on interroge les gens sur les causes de la pauvreté, ils sont de plus en plus nombreux à mettre en avant «la responsabilité individuelle» des personnes frappées plutôt que «l'environnement économique et social», indique dans son rapport annuel publié hier l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale, instance créée par la loi de lutte contre les exclusions de juillet 1998.
Et sur la perception du phénomène, l'opinion a amorcé un virage en l'an 2000, confirmé en 2001: la baisse continue du nombre de demandeurs d'emploi au cours de ces deux années, et donc une crainte collective moindre face au chômage, se traduisent par une sorte de remise en cause de la légitimité sociale du revenu minimum d'insertion (RMI). En 1995, année noire de la croissance, 62 % des personnes interrogées (1) plébiscitaient le RMI, considérant que c'était «un coup de pouce nécessaire pour s'en sortir». L'an dernier, ils n'étaient plus que 45 % à émettre cette opinion. A l'inverse, une majorité de sondés (52 %) considère désormais que le RMI risque «d'inciter les gens à s'en contenter et à ne plus chercher du travail», contre seulement 37 % en 1995, lorsque le nombre de demandeurs d'emplois était au plus haut et que chacun se sentait