Toulouse envoyée spéciale
La barbe de trois jours, les cheveux rasés, la houppette sur le front, Patrice Alègre, 33 ans, entre dans le box des accusés de la cour d'assises de Toulouse en ce lundi matin maussade. Amaigri et vieilli, l'homme flotte dans un pantalon de jogging et une polaire sombre, sursaute sous le premier flash, baisse la tête, buté, fermé. Encadré par deux CRS, le fils du brigadier Roland Alègre écoute la lecture de la lettre de son frère cadet Nicolas, son portrait craché mais en VRP rangé, qui refuse de venir témoigner par peur des photos: «Le nom que je porte est désormais un lourd fardeau, ça me paraît suffisant comme ça.» A l'appel des témoins, son père lui, se présente dans le prétoire, en gabardine marine, mâchonne un chewing-gum, enfonce ses poings dans ses poches. En face, Patrice Alègre rumine des insultes tout bas, «lui, c'est un salaud, un salaud», soupire, s'agite, puis le fusille du regard quand l'autre s'échappe par une porte dérobée. Puis redevient passif et éteint, recroquevillé, le temps que la greffière égrène les 56 pages de sa mise en accusation, le détail des cinq meurtres et six viols de femmes, entre 1989 et 1997. A l'énoncé détaillé de la sodomie d'Isabelle Chicherie, Patrice Alègre se masse la nuque, comme en proie à un torticolis. A la fin de l'exposé de ses actes, «non», Patrice Alègre n'a rien à dire, et secoue la tête dans un geste d'impuissance.
«Rien à dire». A son retour l'après-midi, l'accusé n'est qu'une boule de nerf, l'air