En 1962, la France vient de changer de régime. De Gaulle a imposé la prééminence de l'exécutif sur le pouvoir législatif. La gauche dénonce le «putsch» du chef de l'Etat. Une gauche qui, selon l'expression de l'historien Jean Lacouture, vient de «laver dans le sang, à Charonne, ses compromissions avec le fait colonial». En janvier et février, la France est secouée par une centaine d'attentats au plastic, la plupart perpétrés par l'OAS (Organisation armée secrète). Le 8 février, la gauche syndicale et politique appelle à manifester contre «une dérive fasciste». Les manifestants se heurtent aux policiers du préfet Maurice Papon. Prise de panique, la foule s'engouffre dans le métro Charonne. Huit militants trouveront la mort ce jour-là (un neuvième décédera de ses blessures). Leurs funérailles, le 13 février, sont suivies par un demi-million de personnes.
La violence monte encore d'un cran, début mars, au moment même où s'ouvre la nouvelle conférence d'Evian. Le personnel politique apparaît dubitatif et divisé sur l'issue de ce round de négociations. Une majorité de la gauche a rejoint de Gaulle pour l'autodétermination et un règlement rapide du conflit. «La droite et la vieille SFIO restaient accrochées au principe colonial de l'unité de la République», explique Lacouture. Quant au Premier ministre, Michel Debré, il se veut malgré tout optimiste. En Conseil des ministres, rapporte l'historien Benjamin Stora, il assure: «Nous touchons à la fin d'une épreuve douloureuse. Malraux