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Libération

A Sangatte, le village se retranche du camp

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Difficile cohabitation entre 800 habitants et 1 300 réfugiés.
publié le 25 juin 2002 à 0h04

Sangatte envoyée spéciale

La boulangère de Sangatte sourit. «Des pistaches ? Pour 1 euro ?» Elle ne comprend pas la langue de son interlocuteur afghan, mais elle a l'habitude. C'est comme ça des dizaines de fois par jour. Sa boulangerie a pris des airs d'épicerie orientale. Pistaches, dates, olives : le patron s'est adapté à la clientèle. «ça se passe bien, indique-t-il, mais tout le monde ne le comprend pas comme ça.» Il n'en dira pas plus. Depuis que les réfugiés de la Croix-Rouge défilent dans sa boutique, une partie des Sangattois n'y met plus les pieds.

Hostilité. Il y a deux villages à Sangatte. Celui de jour : sa plage, son camping, ses maisons blanches. Celui de nuit : son hangar, son linge qui claque au vent, ses réfugiés. Sangatte, le jour, est une station balnéaire prisée depuis les années 30. Sangatte, la nuit, qu'aucun panneau n'indique, est un hangar planté dans les pâtures, peuplé de candidats à l'asile en Grande-Bretagne. Ces jours-ci, ils sont environ 1 300, hommes jeunes, mineurs isolés, familles. Surtout des Kurdes, des Afghans, des Iraniens. Chaque nuit, plusieurs centaines tentent de traverser la Manche, sous la bâche d'un camion ou sur un train de marchandises. Le centre a ouvert il y a trois ans, sous la pression des associations, indignées par l'errance des Kosovars dans Calais. Depuis trois ans que le provisoire dure, Sangatte de jour s'exaspère.

Sangattois et réfugiés se croisent l'après-midi dans les rues du village. «Je ne connais pas leur langue», r