Henriette Lacombe a 49 ans. Son fils aîné, Xavier, est mort à l'âge de 25 ans. Hémophile. Contaminé par le virus du sida. Elle triture une petite boîte en fer rouge et jaune pour ne pas pleurer, en racontant son histoire. Son second fils, Pascal, hémophile, a 24 ans, il est séropositif. Sa soeur aînée, Joséphine, vit en Tunisie : son fils, hémophile, a été contaminé en 1986 par des produits non chauffés, venant de France, et qui n'étaient plus, alors, autorisés sur le sol français. Il est décédé en 1989. Violette est la troisième soeur : son fils Yves, hémophile, a été contaminé entre mars et juin 1985.
«Crime». L'hémophilie, la contamination, les trois femmes ont porté les mêmes maux. Seule Violette s'était lancée dans l'enfer judiciaire. Joséphine était trop loin. Henriette ne voulait pas : «Je ne voulais pas les faire souffrir davantage, me protéger moi-même. C'était aussi une question de confiance vis-à-vis des médecins. Et puis j'étais de gauche. Je me suis réfugiée dans une bulle, j'ai baissé le rideau.» Depuis le jeudi 4 juillet, elle a changé de point de vue : «D'abord, Xavier est mort sans que l'on soit accompagné. Nous avons vécu l'abandon des travailleurs sociaux, des administrations. Puis ma soeur m'a mis sous le nez des morceaux du dossier que je ne voulais pas ; elle m'a contrainte à me rendre à l'évidence des mots. Parce qu'il faut mettre des mots à tout ça, et que c'est le mot crime.» Henriette poursuit : «Avant, je ne voulais pas qualifier tout ça.» Elle viva