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Libération
Interview

«Après, il est difficile de remonter le courant»

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publié le 30 août 2002 à 0h47

Eric Durand a été médecin chef des maisons d'arrêt de Fleury-Mérogis jusqu'en décembre 2001. Aujourd'hui expert auprès du Comité de prévention de la torture et des traitements inhumains et dégradants du Conseil de l'Europe, il analyse ici le profil des mineurs qu'il a rencontrés en prison et pointe les dangers de leur incarcération.

Qu'est-ce qui vous a le plus frappé chez les mineurs que vous avez rencontrés au Centre des jeunes détenus de Fleury-Mérogis ?

D'abord, je voudrais dire que depuis que les débats sur la délinquance des mineurs existent, je suis étonné que le mot «enfant» ne soit jamais utilisé. Dans certains pays, ce terme est employé pour les moins de 18 ans incarcérés et cela n'a pas l'air de fausser le débat. Cela dit, ce qui m'a surtout frappé chez les mineurs pendant les années où j'ai exercé en prison, c'est l'absence de repères tels que nous les entendons. Ils n'obéissent pas à la même loi que nous, ni aux mêmes règles. Ce qui m'a aussi souvent étonné, c'est que certains mineurs puissent être incarcérés pour un mois ; qu'attend-on des soignants et des autres personnels sur un délai aussi court ? Finalement, dans ces cas-là, nous avons l'impression de ne servir à rien, d'être face à une situation où nous sommes impuissants.

Il faut aussi noter que, souvent, leur fonctionnement reste le même pendant la durée de l'incarcération. Ils jouent les gros durs pour certains d'entre eux mais, sous la carapace, il y a la souffrance. Alors notre rôle, c'est de les faire c