Menu
Libération

Les stigmates des bois meurtris

Article réservé aux abonnés
Les arbres mitraillés des forêts vosgiennes sont traités pour être vendus.
publié le 3 septembre 2002 à 0h51

Champ-le-Duc (Vosges) envoyé spécial

D'abord, il faut scruter les troncs aussi haut que le regard peut porter vers leur cime. Il faut toucher l'écorce, sentir les boursouflures, explorer les cavités. Les deux trous de mitrailles sont là dans le pied de ce pin sylvestre, vieux de cent cinquante ans. Ouverts, il y a plus d'un demi-siècle par l'éclatement d'un obus. A Champ-le-Duc dans les Vosges, il existe un Service de traitement des bois mitraillés (STBM) où l'Office national des forêts (ONF) soigne ces arbres avant de les vendre.

Bûcherons. La forêt vosgienne est un champ d'honneur où les victimes sont restées debout : pins sylvestres, épicéas, sapins ont survécu à cette mitraille qui voyage dans leurs fibres jusqu'à leur coeur depuis trois guerres : les plus vieux renferment encore des balles de 1870. Plusieurs forêts ont été complètement détruites durant la Première Guerre mondiale. A La Neuveville-devant-Lépanges, Jean Rivat, 75 ans, se souvient des combats de l'automne 1944. «Les Allemands étaient cachés dans la forêt. Ils avaient creusé des tranchées pour stopper l'avance américaine. L'artillerie alliée les a bombardés une semaine. Il y avait des canons, des chars.» Un million d'obus ont endommagé plus du tiers de la forêt vosgienne, selon l'ONF. Dans la forêt communale de Saint-Jean-du-Marché, «un arbre sur deux est mitraillé», affirme Dominique Lallemand. Ce technicien de l'ONF gravit la pente drue où seuls les pins sylvestres peuvent s'accrocher au grès rose des Vosge