Les maires de Paris changent (de droite à gauche), les ministres de la Culture aussi (de gauche à droite), l'infamie demeure. Maurice Papon est libre, les deux archivistes Brigitte Lainé et Philippe Grand sont toujours au placard aux Archives de Paris. En février 1999, lors du procès intenté pour diffamation par Maurice Papon contre l'historien Jean-Luc Einaudi à propos des événements du 17 octobre 1961, le témoignage des deux archivistes avait été capital. Documents, registres et cotes d'archives à l'appui, ils avaient démontré l'ampleur du massacre des Algériens par la police parisienne. Cet acte de courage et de civisme rompait avec le sacro-saint devoir de réserve des archivistes.
Une enquête administrative fut ouverte par leur hiérarchie pour «délit d'obligation de secret». Brigitte Lainé et Philippe Grand risquaient un an de prison ferme, 100 000 francs d'amende et une sanction professionnelle. Mais, pénalement, le fait d'avoir répondu aux questions d'un magistrat les déliait du secret professionnel. Les poursuites furent vaines.
Renvoi. Restait, pour leur hiérarchie, une arme lourde : la sanction disciplinaire. On les priva des dossiers sur lesquels ils travaillaient, on fit en sorte qu'ils n'aient plus de contact avec le public. Le mot de «discrimination» employé alors par Lainé et Grand n'était pas trop fort. Il perdure. Ni le ministère de la Culture (dont relèvent les archivistes), ni la mairie de Paris (où ils sont détachés) ne semblent vouloir prendre à bras-le-cor