Alfred Sirven a beaucoup parlé, hier, au premier jour du procès en appel de l'affaire Elf. Il a parlé tout seul. Il a parlé au gendarme qui l'accompagne, et à ses avocats assis à ses côtés. Volubile et expressif, mais comme dans un film muet, car il n'avait pas la parole, pas encore. Cette fois, aucun prévenu n'est venu le saluer, comme ils l'avaient fait à son retour forcé de Manille.
La grande salle de la première chambre de la cour d'appel est vaste et haute comme un théâtre ou une salle des mariages. Ses fenêtres offrent une vue imprenable sur le clocher gothique de la Sainte-Chapelle. Les lunettes d'Alfred Sirven reflètent justement le ciel. Visage incliné vers l'arrière, il observe le clocher, le montre au gendarme et sourit.
«Salut Christine !» L'ancien directeur des affaires générales d'Elf-Aquitaine est bien le seul à sourire. Christine Deviers-Joncour, première à entrer dans la salle, habillée de noir, affiche un regard attristé. Les «Salut Christine !» des preneurs de son ne l'amusent plus. Tiré à quatre épingles, Roland Dumas arrive à son tour, inexpressif, un peu essoufflé. Il tapote le dos d'un gendarme et s'assoit. D'un long mouvement du bras, il passe la main dans ses cheveux, fraîchement coupés. Gilbert Miara, son ancien rival, l'ami et le «complice» de Deviers-Joncour, reste un temps près de la sortie, puis se décide à rejoindre les prévenus. Il salue Dumas, et fait la bise à Deviers. Il lui raconte qu'il a arrêté de fumer, et que «c'est l'horreur». L'ancie