Soudain le silence s'est installé dans la grande salle d'audience de la cour d'appel de Paris. Alfred Sirven, massif, droit dans son costume, visage concentré, s'est levé et a rejoint la barre. Un de ses avocats lui a lancé un dernier clin d'oeil. Quelques instants plus tôt, le groupe de ses défenseurs l'entourait encore comme un boxeur, posant leurs mains sur ses épaules, lui murmurant les derniers conseils. Quelques minutes avant, Loïk Le Floch-Prigent, qui a passé la journée à ses côtés avant-hier, disait : «Le mec, il en peut plus. Dix-huit mois en prison. Il ne se rappelle plus des trucs. Forcément, il perd la mémoire.» Dans le silence, l'ancien fugitif, celui qui a tourné le dos au tribunal il y a un an et demi, commence sa lente confession.
D'abord se présenter. Tordre le cou à «certains mythes» qui ont fleuri à son sujet. «On me traite encore aujourd'hui de n° 2 d'Elf. C'est faux. J'étais le conseil ler du président», lance-t-il, grave et bonhomme. Il n'était pas, insiste-t-il, un «deus ex machina». Lorsqu'il «débarque» chez Elf en 1989, après avoir été cadre dirigeant chez Rhône-Poulenc, on l'affuble du titre de directeur des affaires générales. Des conseillers comme lui, il y en avait d'autres, «diable, oui», dit-il à la présidente Christine Beauquis, «au moins trois ou quatre». Il a du mal à se souvenir de son salaire d'alors. «Vous aviez un bulletin de salaire ?», demande la présidente. «Madame, je ne l'ai plus sur moi», répond-il.
«Quelques mois plus tard, j'ai ét