Calais envoyée spéciale
Dans la campagne près de Calais, un bunker en plein champ. Le Sangatte des malchanceux. Dans 9 m2, quelques couvertures et un peu de foin. Du plafond, l'eau goutte le long d'une stalactite. A l'entrée du bunker, une casserole rouillée. Ici vivent des Kurdes, interdits de séjour dans le centre de Sangatte depuis que leur badge d'accès a expiré. Après soixante-douze heures d'absence, impossible de remettre les pieds à l'intérieur. Le nouveau règlement du centre de la Croix-Rouge a un avantage : vider Sangatte en douceur.
Soixante-douze heures pour tenter de passer en Grande-Bretagne, c'est peu. Car depuis plus de six mois, les migrants tentent moins leur chance à Calais. On les trouve sur le port industriel de Dunkerque, à 40 km de là. Où à Loon-Plage et Gravelines, près de Dunkerque, sur les aires d'autoroute. Enfin, certains vont à Lens, à Saint-Omer, sur les parkings autoroutiers où la vigilance des chauffeurs de poids lourds est moindre. Sentant l'étau policier se resserrer, les réseaux de passeurs s'installent très loin, en Hollande ou en Belgique. «Je viens de faire passer ma femme et ma fille par la Belgique, avec des faux passeports, expliquait vendredi un vieil Afghan. Un passeur anglais qui ne fait passer que des femmes, c'est moins voyant. Elles sont bien arrivées, mais ça m'a coûté cher, 2 250 dollars (autant d'euros, ndlr) par personne. Et ça m'a pris quatre jours. Je n'ai plus de badge.»
Les «voyageurs». Moustafa, 22 ans, ancien peshmerga (1)