Il y avait quasiment autant de monde hier dans la salle des ventes numéro 2 de Drouot, à Paris, que pour une exécution en place publique. Au premier rang, les collectionneurs, les bibliophiles ; derrière, en masse compacte, la foule des badauds, attirée par les carnets intimes du dernier bourreau chargé, pendant cinquante ans, des exécutions publiques en France. Anatole Deibler est mort d'une attaque en 1939 sur un quai de métro alors qu'il partait exécuter Pilorge, immortalisé par Jean Genet dans le Condamné à mort.
Bourreau, comme son père et son grand-père, Deibler fait encore bouger les foules et sortir les euros. Mise à feu, 15 000 euros, « les carnets du bourreau, je les prends à 100 euros», dit un monsieur en ricanant. Sans doute était-il là la veille, avec d'autres curieux, pour voir de près les fameux carnets, où le bourreau «un petit bourgeois étriqué du XVIe arrondissement, qui aurait sûrement voulu faire autre chose que cette fatalité familiale», selon son biographe, Gérard Jaeger (1) consigne étrangement, et de manière obsessionnelle, ses 395 exécutions. La dame devant prévient, «moi, je me retire à 72 000», le gars derrière dit : «Putain ! ça va monter jusqu'à 100 000.» Au téléphone, la société Scriptura, qui a déjà acquis le dossier Landru, emporte le morceau : «85 000, adjugé», sans les frais. Avec, les quatorze carnets du bourreau montent à 100 249 euros... En une minute. Bonne affaire pour le vendeur, l'ex-antiquaire Thierry Chaillous, qui tenait ces tex