Ce qui reste de trente ans de lutte : une quinzaine de chemises cartonnées, bouffies par les ans, dans un carton fatigué. A l'intérieur : des photos, des coupures de presse, des lettres. Et des témoignages d'enfants, écritures encore hésitantes. Et un film, réalisé en 16 mm, copié sur VHS. En remontant ce carton de la cave, Alain Ma- laval a recommencé sa «descente aux enfers». L'homme a la soixantaine solide, le sourire buriné, des éclats de rocaille dans la voix. Son «enfer», il le trimballe depuis le 6 février 1973, jour de l'incendie du CES Pailleron. 20 morts : 16 enfants, 4 adultes.
Ce soir-là, Alain doit ramener quatre enfants. Sa fille, Nadine, et trois copains. Il rentrera avec deux enfants, dont sa fille. Il aurait pu n'être que soulagé. Il est devenu enragé. Contre «le mensonge ; tellement énorme que c'était à crier». Mensonge d'Etat : «Un ministre, un maire, un député, un préfet et tout un tas d'autres ont commencé à mentir, à raconter que tous les enfants étaient sortis, qu'ils étaient répartis dans différents hôpitaux...» Or Alain sait. Il est arrivé à Pailleron vers 19 h 45. En avance car il ne connaît pas les lieux : c'est la première fois que les enfants ont cours de solfège dans ces locaux. Le feu brûle déjà depuis cinq minutes. Les pompiers débarquent à peine.
Juste avant qu'Alain n'arrive, sa fille, âgée de 9 ans, a désobéi. «Je suis sortie la première de la classe. J'ai dit : "Il y a de la fumée.» La prof a dit : "Allons au bout du couloir, on va prendre l