Etrange victime. La société Elf est partie civile au procès Elf. En apéritif du réquisitoire du parquet (quatre procureurs vont se relayer pendant trois jours), ses avocats, Emmanuel Rosenfeld et Jean Veil, vont plaider aujourd'hui que l'entreprise a été pillée, puis exiger remboursement. Les faits se sont déroulés du temps où Elf était public, mais seuls ses actuels actionnaires privés (des fonds de pension) vont bénéficier d'éventuels dommages et intérêts, au nom de la continuité de la personne morale. «Enrichissement sans cause», ricane un avocat de la défense. D'autant que le pétrolier a la main lourde : il réclame 410 millions d'euros de réparation, plus 270 millions d'intérêts de retard. Plus sobre, le parquet n'a retenu que quelque 230 millions de détournement.
Traque orientée. La procédure Elf n'a démarré qu'après sa privatisation, quand son président, le balladurien Philippe Jaffré, succédant au mitterrandiste Loïk Le Floch-Prigent, a porté plainte au pénal. Cela commence par un classique du genre : un PDG nommé charge la barque de son prédécesseur, affiche des pertes abyssales pour solder le passé. Mais le rigoriste Jaffré a été sincèrement choqué par ce qu'il a découvert : «Le coût des intermédiaires était de 100 millions de francs par an sous MM. Guillaumat, Chalandon et Pecqueur (les trois premiers présidents d'Elf, ndlr), de 1 milliard sous M. Le Floch-Prigent, il est revenu à 100 millions sous ma présidence», a-t-il témoigné au tribunal. Cette leçon de morale a