Heure après heure, dans l'étouffante salle d'audience de la cour d'assises spéciale de Paris, se dévoile la personnalité des huit accusés, membres présumés du commando ayant assassiné le préfet Claude Erignac à Ajaccio le 6 février 1998. Ils parlent beaucoup. D'eux, comme il est normal en début de procès, consacré aux «personnalités» des accusés. Ils parlent tant que parfois le président Jacob est amené à leur demander de «faire plus synthétique», même s'il leur arrive de s'exprimer avec une sincérité certaine. D'où vient alors ce sentiment suffocant dont la chaleur n'est pas seule responsable ?
Alain Ferrandi, 42 ans, est accusé d'être le «chef» du commando. Son charisme tranche avec la froideur mécanique du professeur de mathématiques Vincent Andriuzzi, entendu la veille. Persuasif, argumentant avec précision, d'une voix bien modulée, il décrit les blocages internes à la société corse, les «incohérences» de la politique «de l'Etat français». «Pour un jeune Corse, il n'y a que deux voies possibles. Epouser les idées nationalistes ou devenir le sujet d'une chefferie locale au comportement moyenâgeux.» Même absence de véhémence pour parler de la «guerre» qui a décimé les rangs nationalistes entre 1994 et 1996 : «Chacun restait terré chez soi, se demandant à quel enterrement on allait assister. Quand mon ami intime qui était de l'ANC a été assassiné, je n'ai même pu aller à son enterrement car, appartenant à la Cuncolta, je ne sais pas comment ma présence aurait été interprétée