«C'est oï dans ma tête, c'est oï dans ma vie, j'arrive pas à dormir.» Fanny, témoin numéro 1 du scandale de Toulouse, a sans cesse ce mot «oï» dans sa bouche, édentée. «Oï», ça veut dire le «désordre», tout sens dessus dessous. A 30 ans, la frêle fille (1,64 m pour 48 kg) aux prunelles dorées et aux cheveux châtain-roux, bras tatoués, jean et débardeur, paraît plus zonarde que call-girl. Usée par la galère et les «torturius» des hommes, Fanny peine à reparler «encore» des horreurs qu'elle a subies dans les années 90 et qu'elle avait enterrées au plus profond d'elle-même. Les gendarmes de la cellule «Homicides 31» l'ont retrouvée en 1999 pour la questionner sur le tueur en série Patrice Alègre et sur le meurtre de la prostituée Line Galbardi en 1992. Elle a nié : «Connais pas.» Elle a fui. Ils ne l'ont pas lâchée. «Ils sont revenus trente fois, pour savoir la vérité, et puis j'ai eu confiance en Michel.» Michel Roussel, l'infatigable pisteur de «Patrice». Alors, elle a tout déversé en vrac, même les sévices et les viols infligés par des notables lors de soirées sadomasochistes. Sans noms ni dates, mais avec la mémoire de scènes et de visages.
«J'ai mon p'tit vécu, c'est tout»
A l'heure où les enquêteurs cherchent les preuves, Fanny accepte de nous parler en présence de son avocate, Me Muriel Amar. «Pendant dix ans, on m'a demandé de me taire, et maintenant on me dit de tout raconter, aux gendarmes, au psy, aux juges, moi je peux plus, j'ai quatre enfants (âgés de 18 mois à 9 an