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Libération
Interview

«Les sociétés catholiques surdramatisent la rupture»

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Danièle Hervieu-Léger, sociologue, commente la réforme Perben :
publié le 9 juillet 2003 à 23h45

Danièle Hervieu-Léger, sociologue, dirige le Centre d'études interdisciplinaires des faits religieux à l'Ecole des hautes études en sciences sociales. Dans son dernier ouvrage, Catholicisme, la fin d'un monde (Bayard), elle aborde la perte d'influence du modèle catholique dans la société française, la famille notamment.

Ce gouvernement n'a pas voulu supprimer le divorce pour faute. Pourquoi à votre avis ?

Tous les aléas de la politique du divorce tournent autour de deux conceptions typiques et opposées du mariage, et donc du divorce. D'un côté, il y a le modèle du mariage contrat entre deux individus, contrat qu'ils peuvent dissoudre sur la volonté de l'un ou des deux. De l'autre, un modèle qui postule que le lien matrimonial n'est pas à la main des époux : il les dépasse, les «transcende» en quelque sorte. Pour les tenants de cette conception que l'on peut dire «sacrée» du mariage, les conjoints n'ont pas la liberté de dissoudre comme ils le veulent ce lien. Mon hypothèse, c'est que garder le divorce pour faute permet de sauver la dimension de la «permanence par destination» du mariage, énoncée dans le code civil de 1804. A travers la notion de faute, on continue de considérer que le destin du mariage est d'être éternel, et ne peut être rompu que par la mort. Car la «faute» en question ne renvoie pas simplement aux fautes avec un petit «f» qu'on appelle violations des obligations du mariage. Elle réfère à la Faute avec un grand F qui est de rompre ce lien permanent.

Mais aujourd'hui le mariage est une institution laïque et républicaine, non ?

En France, la Révolution a laïcisé le mariage et le code civil a préservé, avec les réactions qu