Surplombant la baie d'Alger de ses tourelles mauresques et ses coquetteries coloniales, la villa Susini offre un des plus remarquables points de vue sur la ville et, surtout, sur l'histoire. Elle reste un des lieux symboliques de ce tournant de la guerre d'Algérie lorsque, en 1957, les prérogatives de police à Alger furent déléguées au général Massu, confiant de fait les pleins pouvoirs à l'armée. Là, dans la villa Susini, fut alors installé un de ces centres clandestins de torture, comme il y en eut une dizaine sur le territoire: «La condition sine qua non de notre action en Algérie est que ces méthodes soient admises comme nécessaires et moralement valables», écrit Massu, dans une note du 19 mars 1957.
Quarante ans plus tard, la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris s'est retrouvée à Alger en 1957 et devant les grilles de la villa Susini. Au cours de deux procès, à une semaine d'intervalle, les 4 et 11 juillet, se sont assis côte à côte, partageant le même banc et la même cause, une Algérienne torturée par des militaires français et un bourreau de cette même armée, du temps où il était jeune appelé au 584e bataillon du train. Dans un livre, rédigé par une journaliste et publié en mars 2001, Louisette Ighilahriz racontait en effet comment elle fut violée et torturée dans un centre militaire d'Hydra, à Alger, en 1957. De son côté, Henri Pouillot, envoyé en Algérie de juin 1961 à mars 1962, fut en poste à la villa Susini et a récemment témoigné dans des documentaires