Le sociologue Edgar Morin a fait partie du Comité des sages chargé de surveiller le débat national sur l'énergie.
Dans le rapport remis à la ministre de l'Industrie, vous parlez de «l'intoxication automobile». De quoi s'agit-il ?
La voiture, pour moi, c'est comme le tabac : il n'y a pas de danger mortel immédiat, mais il y a une saturation. La voiture est devenue un objet de fixation pathologique. Mais c'est plus facile de se défaire d'une intoxication psychologique que d'une dépendance physiologique comme le tabac ou la drogue. Pour ma part, je me suis désintoxiqué dans les années 70. Vous savez, le sevrage ne s'impose pas s'il n'y a aucun problème. C'est quand ça devient difficile qu'on l'envisage : quand on ne sait plus gérer le trafic, les embouteillages, la perte de temps, le manque de parkings, la pollution...
Faut-il se débarrasser de la voiture dans tous les cas ?
Quand les inconvénients que son utilisation génère sont supérieurs aux avantages, oui. Mais attention, je ne suis pas antivoiture ! C'est certainement le plus beau jouet offert à l'homme du XXe siècle. Il procure des jouissances formidables, il symbolise la liberté, le confort, la puissance. En même temps, il développe une ahurissante intolérance à l'égard d'autrui. Sans instaurer de punitions, on peut réfléchir en termes de bienfaits pour notre civilisation. Lorsque les produits deviennent plus nocifs que bienfaisants, il faut réguler. On perd le sens de la qualité de la vie au profit de la quantité. Et nous sommes devenus esclaves de mille choses.
Quelles sont les autres solutions ?
Plutôt que de prendre sa voiture pour s'enferrer dans les embouteillages, on ferait mieux d'emprunter les transports en commun. Dans