Château-Chinon envoyé spécial
Le 15 août, il marchait encore. «Le 20, j'ai pris une canne et le 28, je ne tenais plus debout.» Depuis, Gabriel (1) se déplace en fauteuil roulant dans la ferme bourguignonne qu'il a retapée avec Blanche, sa femme, pour y passer leur retraite. A 66 ans, ce physicien est l'un des premiers anciens de l'université de Jussieu à souffrir d'un cancer spécifique de l'amiante (lire ci-contre).
L'apparition entre ses épaules d'une nouvelle tumeur comprimant sa moelle épinière lui a coupé les jambes. Et le moral. Il ne le dit pas, noie sa tristesse dans un calme rigoureux. Gabriel est un scientifique. Sa maladie, il la décrit avec un détachement presque fataliste. «Au bout de trente ans, je savais que la probabilité d'avoir un mésothéliome devenait une possibilité», raconte-t-il. Il sait, lui qui a été longtemps suivi pour son asthme et ses bronchites purulentes, qu'il a été «fragilisé» à Jussieu, où il a travaillé jusqu'en 1981. Car ensuite, il a déménagé avec Blanche et leur fils à Lyon, où il n'a plus eu aucun contact avec l'amiante. Trente-cinq ans après, se remémorer ses jeunes années d'assistant-chercheur, c'est retracer sa contamination.
En 1966, Gabriel avait 24 ans et travaillait au laboratoire des ultrasons. Premier étage, tour numéro 13. «Le long des couloirs, il y avait des armoires métalliques avec un fond en béton floqué. On s'en servait pour ranger les générateurs et les alimentations électriques. Au bout de trois ans, ça tombait en poudre.»