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Libération

L'Etat complice de meurtre ?

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publié le 30 octobre 2003 à 1h37

Qui déclare «la guerre totale au tabac», veut «zéro fumeur» en France, augmente les prix des cigarettes et perçoit les bénéfices de cette hausse? C'est l'Etat et le ministre de la Santé. Qui fait inscrire «Fumer tue» (1) sur les paquets de clopes mais en a le monopole de vente et continue de les laisser en vente libre ? C'est l'Europe, l'Etat et le ministre de la Santé. Cette schizophrénie est déjà «cocasse, à la limite du grotesque», selon un juriste spécialiste des affaires de tabac. «C'est même d'une particulière hypocrisie, avance un autre, puisque l'Etat annonce combattre le tabac et a intérêt, en même temps, à en vendre le plus possible.» Pierre-Louis Dauzier, l'avocat d'Altadis (l'ex-Seita), souligne aussi «l'extrême contradiction à donner des informations de plus en plus agressives sur le tabac et à solliciter des fumeurs de plus en plus de taxes pour boucher le trou de la Sécurité sociale. Avec une efficacité limitée puisque si la consommation légale baisse, la contrebande est en hausse !». Mais au-delà, si «fumer tue», n'y a-t-il pas un évident paradoxe à laisser vendre un produit mortifère ? Ce faisant, l'Etat ne se rend-il pas complice d'un meurtre par «fournitures de moyens» ? Ou coupable de mise en danger de la vie d'autrui ? La question ressemble à un sophisme, mais des juristes se la posent et des avocats ont même été contactés par des fumeurs dans l'idée d'attaquer l'Etat sur ce thème. Libération a demandé leur avis à des juristes.

Dominique Chagnollaud

Profes