Calais envoyée spéciale
C'est un bateau à demi calciné, amarré dans un bras du port de Calais. Prendre son élan, pour ne pas tomber à l'eau, puis emprunter un escalier de bois branlant qui mène à fond de cale. «C'est ici que nous vivons comme des ermites», une vingtaine d'Iraniens de Calais candidats à l'asile outre-Manche. Un an, jour pour jour, après la fermeture de centre de Sangatte, rien n'a changé pour les migrants. Sur les marches, un bouquet. «Vous avez vu. On a même des fleurs.» Des chrysanthèmes. Les courbes du métal dessinent une arche de Noé misérable dans la pénombre. Alignés, des corps sont endormis, emmitouflés dans des couvertures usées. Les uns et les autres ont passé la nuit à jouer à cache-cache avec le vigile du port. Avant qu'une partie du bateau brûle, des femmes et des enfants vivaient là.
La semaine dernière, le thermomètre est descendu à 4 °C. Mais ils ne se plaignent pas du temps qu'il fait ; seulement des CRS qui viennent les déloger et les coursent dans Calais pour les éloigner dans des centres d'hébergement à Limoges, Reims ou «à la frontière espagnole». Certaines compagnies ont la réputation de lâcher les migrants à quarante kilomètres de Calais sans chaussure. En Français, ils ont appris «bonjour», «merci», et aussi «ta gueule», «sale bâtard», «enculé». «A force avec les policiers on apprend», soupire Mamad, 25 ans. Il a dû fuir sa ville natale de Tabriz. Il a participé aux manif étudiantes de 1998 en Iran. Incarcéré quatre mois, il a été libér