Une banque peut-elle produire en justice des documents potentiellement faux sans que les tribunaux ne s'en émeuvent plus que cela ? La Cour de cassation vient tout juste de répondre non, dans un arrêt du 26 novembre. Cela paraît évident, mais que d'efforts pour en arriver là... Le litige oppose la banque Hervet, établissement public entre-temps privatisé au profit du CCF, et la société Frega, spécialisée dans la fourniture de cuisines collectives. Il est question de traites, ces effets de commerce qui font l'ordinaire de la vie des PME et de leurs relations avec les banques. Une traite est une créance d'une entreprise sur une autre, généralement à échéance de trois ou six mois. Son bénéficiaire peut soit la remettre à l'encaissement (il touchera alors l'argent au terme de l'échéance), soit l'escompter (la banque lui avance l'argent tout de suite, moyennant agios).
Bordereaux muets. Dans le présent litige, Frega prétend qu'elle avait remis les traites à l'encaissement et réclame à sa banque le remboursement des agios ; Hervet prétend au contraire que son client souhaitait les escompter et campe sur ses agios. Chacun produit en justice des bordereaux bancaires. Ceux de Frega sont muets, aucune des cases (encaissement ou escompte) n'est cochée : faute d'en savoir plus, il paraît plausible que la PME se soit contentée de mettre les traites à l'encaissement, l'escompte relevant davantage d'une volonté manifeste (car source d'agios).
Ceux d'Hervet mentionnent une remise à l'escompte