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Libération

La nostalgie de l'ombre de Roger l'Elégant

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Il a passé quarante-six ans en détention. Et puis, le 15 avril, on l'a libéré de la centrale de Moulins. «C'était mon chez-moi», regrette le sexagénaire au casier bien rempli. Qui raconte ses souvenirs de rescapé de la guillotine.
publié le 27 avril 2004 à 0h22

Moulins, correspondance.

Entre l'orphelinat, les maisons de correction, le bagne, les quartiers de haute sécurité, la centrale, Roger (1) dit : «J'aurai fait cinquante-sept ans d'enfermement», dont quarante-six ans et deux mois de détention. Abandonné en 1944 à sa naissance, pupille de la nation, il est sorti jeudi 15 avril de la centrale de Moulins, à presque 61 ans. Avec «un peu de pognon, mais un poumon en moins». «Je n'ai su que le matin même que j'étais libéré. D'ailleurs, j'ai fini de m'habiller sur le trottoir», dit-il en jetant un oeil gêné sur son jogging. «J'étais toujours bien sapé.» Cela lui avait valu un surnom : Roger l'Elégant. Il a appelé un taxi pour l'emmener dans un petit hôtel où il s'est senti un grand vide : «En fait, je suis sonné du matin au soir. Je serais mieux là-bas. Ben oui, c'était devenu mon chez-moi. J'ai passé ma vie dans leurs taules.» Il y a fait ses études («huit ou neuf diplômes, je ne compte plus»). Il y a travaillé. «J'ai mes 184 trimestres. La retraite.» Et il y a aussi la plupart de ses souvenirs.

«De la cavale avec Mesrine»

«Ma première grosse connerie, je l'ai faite à 9 ans. Direction, les maisons de correction. Ma première cavale, 10 ans et demi. J'étais déjà grand. Le point de rendez-vous, c'était Chez Lili, à la butte Montmartre. Je sortais jamais sans le Mauser. Comme je suis de Saint-Etienne, j'avais fini par entrer dans le gang des Lyonnais. J'en suis le dernier exemplaire vivant. 1957, le train postal à 1,3 milliard. Le record n