[Cet entretien a été publié dans Libération en janvier 2005]
Sylvie Lindeperg, maître de conférences à l'université Paris III-Sorbonne nouvelle, historienne des images de la dernière guerre mondiale est, entre autres, l'auteur des Ecrans de l'ombre, 1945-1969, la Seconde Guerre mondiale dans le cinéma français et de Clio de 5 à 7, les actualités filmées de la Libération : archives du futur (1). Elle a visionné la grande série Auschwitz, la solution finale, produite par la BBC avec l'historien Ian Kershaw, qui sera diffusée en France par TF1 (version courte) et la chaîne Histoire (version longue) à l'occasion du soixantième anniversaire de la libération du camp.
«Auschwitz, la solution finale» utilise des images d'archives, des images tournées aujourd'hui, des acteurs, des témoins encore vivants, et reconstitue les camps en images de synthèse. Qu'en pensez-vous ?
Cette série met à la disposition des téléspectateurs un solide savoir historique et il faut également rendre hommage au travail de recherche iconographique. Mais les perpétuels mouvements de zoom, de panoramique sur les photographies, la vitesse du montage qui ne laisse jamais un plan exister, le passage incessant d'une catégorie d'image à une autre écrasent les perspectives temporelles et saturent la vision du spectateur. Comme si on avait peur que le téléspectateur s'ennuie, on zappe à sa place... Le tournage au temps présent sur le site des camps n'a rien à voir avec celui de Shoah. Prenant acte de la destruction des traces, Lanzmann construisait son film à partir de ce vide, de cette disparition. Dans le téléfilm, il s'agit au contraire de combler ce vide par l'emploi des techniques numériques qui