[Cet article a été publié en janvier 2005 dans Libération]
Le 27 janvier 1945, l'armée Rouge pénètre à Auschwitz-Birkenau. Peu à peu, les autres camps vont être libérés. A Paris, les premiers convois de rescapés arrivent fin avril.
Une rougeur est apparue au sommet de ses pommettes. Soudain fébrile, le regard s'est légèrement brouillé. «Excusez-moi, je revis ça chaque fois que je raconte. Vous savez, nous étions mille dans le convoi qui m'a emmené et nous ne sommes que vingt-neuf à être revenus.» Devant lui, les visages des élèves se sont figés sous le coup de la stupeur. «Est-ce que vous arrivez à vivre sans y penser ?», interroge un adolescent. «Je n'ai pas dormi cette nuit, répond Addy Fuchs. Vous savez, après la Libération, la nuit, je criais. C'est ma femme qui me le disait. J'ai arrêté de crier quand elle est tombée enceinte.» Dans la classe, le silence est absolu, épais. «C'est de plus en plus dur pour moi de témoigner. Mais je veux que vous sachiez ce qu'on a fait de nous, des enfants, qu'on a voulu nous tuer. L'antisémitisme n'est qu'une forme de racisme.» Dehors, la nuit est tombée et la sonnerie de 17 heures n'a pas fait tourner une seule tête.
Saint-Denis, lycée Suger, au coeur du quartier des Francs-Moisins. Cet après-midi de décembre, vingt et un élèves de seconde avaient rendez-vous avec l'Histoire au bout d'un couloir beige. Classe black-blanc-beur, «profil plutôt littéraire» et option «métiers de l