Bonneville envoyé spécial
La journée d'hier fut rude pour les familles des victimes du tunnel du Mont-Blanc. Le tribunal correctionnel de Bonneville a fait projeter un film tourné juste après l'incendie du 24 mars 1999, puis les policiers sont venus raconter comment ils avaient identifié les 39 corps. Ou plutôt ce qu'il en restait.
Trois semaines après le sinistre, le juge d'instruction avait demandé à un cameraman de filmer l'intérieur du tunnel. Le travail a duré vingt mois, «usé 11 assistants», pour emmagasiner cinquante-sept heures d'images. Le tribunal n'a regardé qu'une séquence, hier. La plus longue. Un travelling. Le technicien avait fixé sa caméra en hauteur, au-dessus de sa voiture, avec un parapluie pour la protéger des fuites d'eau tombant des crevasses formées dans la voûte. Puis le cameraman a roulé à 5 km/h seulement, au milieu des gravats, sur les deux kilomètres où le feu a fait rage. Cela donne un étrange film, sinistre et muet, de vingt-sept minutes. La salle d'audience de Bonneville l'a regardé dans un silence recueilli.
Sur l'écran géant surplombant les juges, les murs dégradés défilaient, donnant l'impression d'une descente vers le fond d'une mine. Un long tube noirci, fissuré, avec des morceaux de câbles pendouillant. En arrivant vers la zone où le feu a fait rage, les premières carcasses de camions apparaissent, soudées dans le sol par l'intensité de la chaleur. Soudain, curieusement, plus de suie sur les murs et la voûte. Le tunnel est devenu blanc. Cha