A quel moment le capitaine Didier Wallet a-t-il eu cette intuition que le dossier d'Outreau ne tenait plus la route ? Que les enfants commençaient à raconter n'importe quoi ? Que tout dérapait ? Et pourquoi, alors, n'en a-t-il pas parlé au juge d'instruction ? Cela fait trois heures, jeudi, que Wallet est à la barre des témoins devant les assises de Paris, où comparaissent six accusés en appel. Sur les épaules du capitaine, son blouson de cuir pèse de plus en plus lourd. Les avocats de la défense ne le lâchent pas. «Monsieur le capitaine, une petite fille de 8 ans vous raconte son viol par trois hommes deux devant, un derrière , puis comment elle a été emmenée en Belgique avec son petit frère. Lorsqu'il est établi que l'enfant est vierge et que son petit frère n'est pas né à l'époque des faits, il n'y a pas un signal d'alarme qui s'allume pour vous ? demande maître Philippe Lescène. Et quand vos services viennent à six heures du matin embarquer une vingtaine d'enfants, autant d'adultes, cette rafle donc... ?» Là, le capitaine de Boulogne-sur-Mer a un sursaut. C'est le dernier : «Je ne suis pas d'accord avec ce mot. Tout de même, on est dans un pays démocratique.»
Pendant l'enquête, tout paraissait si différent et, à Boulogne-sur-Mer, le capitaine Wallet était souvent félicité. C'était au temps où les magistrats pensaient tenir un réseau de pédophiles international, où l'émotion submergeait tout avec cette peur de laisser échapper un suspect, comme dans l'affaire Dutroux en