«Il est bien temps qu'on parle de la formation des magistrats.» C'est un jeune juge d'instruction qui l'affirme : Matthieu Bonduelle, installé depuis «un an et quatre mois» à Mulhouse. Même s'il regrette que le débat émerge dans un contexte aussi émotionnel que l'affaire d'Outreau et de ses interminables soubresauts qui invitent à se poser une question: l'Ecole nationale de la magistrature (ENM) serait-elle une fabrique de techniciens robotisés?
L'école de Bordeaux se compare volontiers à l'ENA et chasse les mêmes forts en thème. «Le concours est calibré Sciences-Po et on s'y prépare mieux grâce à des prépas privées chères et dans les instituts d'études judiciaires de Paris», précise Matthieu Bonduelle. Le site de l'ENM confirme : «L'auditeur type de la promotion 2005 est une jeune femme de 25 ans, titulaire d'un diplôme de 3e cycle et qui s'est préparée à l'IEJ de Paris-II.» Cette moulinette aboutit à la constitution d'un corps socialement homogène. Pas ou peu d'enfants d'immigrés, par exemple, dans les promotions qui comptent près de trois cents auditeurs de justice. «Ce n'est pas le cas en fac, même au niveau DEA», constate Matthieu Bonduelle qui s'inclut dans ce lot de gens «très favorisés, très protégés» qui peuplent l'école.
Dès lors, la rencontre avec la misère sociale, toile de fond des affaires judiciaires, peut être marquée par l'incompréhension réciproque. «On se retrouve souvent face à des gens aux parcours très chaotiques qui ne réagissent pas de façon rationnelle