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Libération

Un innocent à qui la justice a tout pris

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Ecroué pour rien, Ibrahim a perdu son travail, ses affaires. Aujourd'hui, il risque l'expulsion.
publié le 31 mars 2006 à 20h46

Ce vendredi 16 mai 2003, Ibrahim S., sirote un café en sortant du travail, dans un des riants bars de la station RER Châtelet-les Halles, juste avant de regagner le foyer où il vit. Ce même jour, des policiers arrivent au terme de leur enquête sur une bande spécialisée dans le recel de portables et autres objets volés. Les bandits qu'ils recherchent, justement, sont dans ce bar du RER. Coup de filet. Double malchance pour Ibrahim, presque tous sont noirs, comme lui. Il est interpellé avec 17 autres personnes. Sur Ibrahim, 31 ans, sierra-léonais, on trouve son récépissé de demandeur d'asile, environ 200 euros, ses économies qu'il garde sur lui par précaution, un portable avec puce. Il se dit innocent. Il est mis en examen pour avoir «sciemment recelé des téléphones cellulaires, dont un Nokia et une carte sim, objets qu'il savait venir d'un délit commis au préjudice de personnes non identifiées». Comme les autres, il est incarcéré. Il se souvient : «Le juge m'a dit "on va te mettre en prison ", j'ai pensé, bon, ils vont faire une enquête, ils vont bien voir que je suis innocent.» Il voit son juge d'instruction trois fois. «Il me disait "tu retournes en prison".» Sur les ordonnances qui prolongent la détention, le juge des libertés et de la détention note «ses activités délictueuses habituelles et organisées sont de nature à augmenter le sentiment d'insécurité de la population».

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