En 2006, Libération avait publié une série d'interviews «cachées», le nom de l'interviewé n'était révélé que le lendemain. Voici celle de Stéphane Hessel.
Du lundi au vendredi, une personnalité répond, incognito, à nos questions. Son identité sera révélée demain.
Le travail le plus étrange que vous ayez fait ?
Venir en aide à des clandestins qui avaient besoin d'être régularisés. C'était pendant la période où les sans-papiers commençaient à s'organiser. Je ne m'étais jamais occupé d'un problème comme celui-là. Tout d'un coup, m'est apparu avec une limpidité nouvelle que j'étais moi-même un enfant d'étranger, mais très favorisé, accueilli en France avec beaucoup de chaleur. Je me suis rendu compte de ma chance, car je suis venu vivre en France à un moment où il y avait peu de xénophobie. Et eux, parce qu'ils étaient africains, maghrébins ou asiatiques, on leur faisait toutes sortes de difficultés. J'ai découvert l'extraordinaire diversité des situations humaines dans un pays comme le nôtre. Il suffit de venir avec beaucoup d'argent pour que toutes les portes s'ouvrent, mais si l'on est dans la misère, sans logement, sans emploi, ce peut être l'enfer.
A quelle occasion une nouvelle dénomination apparaît-elle ?
Les clandestins se sont nommés sans-papiers quand ils ont pris conscience massivement de leurs droits. Ils ne souhaitaient plus continuer à vivre cachés tant bien que mal, mais être régularisés : «Nous vivons ici. Nous payons des impôts parfois. Quand nous avons des enfants, ils sont scolarisés en France. Il est légitime que nous ayons des papiers.» Dix ans plus