L'avocate générale est jeune et très jolie. Des cheveux de poupée, des yeux de porcelaine, de la grâce. Parfois, elle laisse paraître un peu de sentiment, mais toujours sur le ton de la bienséance. Elle est là pour rappeler à la société, avec ses mots choisis, que «personne ne dispose de mettre un terme à la vie d'autrui». C'est plus qu'un principe. C'est la loi. Avec cette magistrate, le monde tourne comme il faut : il y a d'un côté ce qu'on a le droit de faire, de l'autre, ce qui est interdit. Pour elle, l'interdit est ce qu'a fait Léonie Crevel, 80 ans.
«Soulagée». Menue silhouette écrasée sous les plafonds historiques de la cour d'assises de Rouen, la vieille femme, les cheveux en bataille, voûtée au bas du box des accusés, pleure en silence la mort de sa fille. Il y a deux ans, Léonie a pendu Florence, 44 ans, parce qu'elle ne supportait plus sa «vie de souffrances». Son enfant, dont elle s'occupait seule, était handicapée profonde, aveugle, débile, épileptique, incontinente, grabataire. La liste n'en finirait plus, récapitulée depuis lundi par les médecins experts (Libération d'hier). Un jour que Florence traversait une crise particulièrement violente, Léonie a attaché une corde au montant du lit médicalisé, l'a enroulée autour du cou de sa fille, a basculé le matelas et a dit «c'est moi» à l'arrivée des gendarmes. Elle a ajouté qu'elle-même était «soulagée», et qu'elle ne regrettait rien.
Alors, la tâche n'es