Denis Merklen est sociologue, maître de conférence à l'université Paris-VII et chercheur au Centre d'études des mouvements sociaux attaché à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS). Il supervise des recherches en banlieue après les émeutes de 2005.
Pourquoi des bus ont-ils été incendiés ?
En novembre 2005, on pouvait débattre sur la sémiologie des émeutes avec les bâtiments publics qui brûlaient. Cette année, il n'y a pas de sens dans le fait d'incendier des bus. Là où le sens émerge, c'est dans la condamnation de ces actes par les quartiers. L'année dernière, il n'y avait pas cette condamnation sociale. Au contraire, les habitants des quartiers étaient derrière les jeunes. C'est une chose de brûler des voitures, c'en est une autre d'incendier des bus avec des gens à l'intérieur. Les gens ont fixé une limite à ne pas franchir, c'est la frontière du politique. En novembre 2005, les garçons jetaient des cailloux dans la rue et les jeunes filles expliquaient leurs gestes à la télévision. Aujourd'hui, tous disent : «Ça, ce n'est pas nous.» C'est pour cela que la classe politique s'engouffre aussi facilement dans la condamnation. Attaquer un bus en banlieue, c'est se couper de la ville, c'est refuser le débat public avec le reste du territoire. C'est impensable pour les habitants des quartiers qui ont la volonté de rester dans l'espace démocratique et qui luttent contre la ghettoïsation. Les gens ne veulent pas être davantage stigmatisés après qu'une étudiante