Lille de notre correspondante
Raymond est mort. Il avait 49 ans, et vivait dehors, à Dunkerque, depuis sept ans. Cet ancien monteur en charpente métallique, est décédé d'hypothermie fin octobre, allongé sur un banc, dans le parc de la Marine, en centre-ville. Le thermomètre affichait «entre huit et neuf degrés», précise Philippe Toulouse, éducateur à l'Association action éducative (AAE), qui va à la rencontre des sans-abri toute l'année, en «maraude»: «En cas de pluie et de vent, dehors, on n'arrive pas à sécher. Le froid ressenti peut tuer.» On a rencontré Raymond l'hiver 2005 (Libération du 15 février 2005). Ce jour-là, il marche, sac à l'épaule, bonnet sur les oreilles. A l'époque, le local «grand froid» est fermé : il ne fait pas assez froid. Au bout d'une heure dehors avec lui, on se gèle sous la pluie fine et le vent. Raymond vit sur le port, dans un chalutier rouillé, rideaux de dentelle à la fenêtre, matelas humides par terre, quelques bougies plantées dans des bouteilles de bière. Il a encore un trousseau de clés à la ceinture, celles de la cave de son ancien immeuble. Là-bas, il a «toujours un petit peu de bouffe, une boîte de camembert, des canettes». Quand il y va, il attend la nuit, pour éviter les voisins. Le bateau grince.Il se plaint «parce que c'est sa fin de carrière».
Raymond craint les «jeunes», qui «te démontent la tête pour deux euros». Il aime bien le local «grand froid», ouvert à partir de 5 °C,