Pas-de-Calais envoyée spéciale
C'est une forêt du Pas-de-Calais. On s'enfonce sur un chemin, devenu boueux à force d'avoir été piétiné. Des Afghans mangent et dorment là en attendant de se glisser sous un camion sur l'aire d'autoroute voisine, dans l'espoir de passer en Angleterre. Au bout du chemin, ils sont une petite quarantaine. Certains s'avancent, d'autres dorment sous les tentes de bâches en plastique et de couvertures. Ils sont sales et tendus. Ils reprochent à Hakim, un jeune homme de 16 ans, d'avoir montré le chemin du campement à Libération.«Il ne faut pas écrire sur nous, sinon la police reviendra.» On promet qu'on ne donnera aucune indication du lieu. Un feu de bois. Une casserole. «La police est venue ici, il y a quelques jours, on préparait le repas. Des jeunes comme nous, qui couraient vite. Ils ont donné un coup de pied dans la casserole. On fuyait, ils nous frappaient. Abdolkarim s'est retrouvé à l'hôpital.» Un garçon au visage et aux mains écorchés par les ronces désigne un grand jeune homme au teint maladif. Il a été transporté évanoui, est resté en observation une dizaine d'heures. «Regarde-le, le pauvre. Certains d'entre nous sont en train de devenir fous.» Il montre un garçon qui sourit. «Lui, il se réveille paniqué la nuit, il crie "Police !" et s'enfuit. Nous aussi on se met à courir, et puis on se rend compte qu'il n'y a pas de policiers.»
«Skinheads». Malgré quelques descentes comme celle-là, les migrants de cette